Le Club International Négritude reçoit Brigitte Fouré dans le cadre des Municipales 2014

Les associations amiénoises militent depuis 2006 pour l’élévation dans la ville d’Amiens d’un monument commémorant l’esclavage. La campagne électorale pour la municipale de 2014 a été l’occasion de rencontrer les candidats Thierry BONTÉ et Brigitte FOURÉ, avec comme objectifs principaux d’inviter les candidats à œuvrer pour l’aménagement du Square Aimé Césaire et pour plus de cohérence mémorielle en permettant, le temps de leur mandat, une commémoration plus digne devant une stèle dédiée à la mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.

Discours prononcé par Landry MANDOUKOU,
Président Club International Négritude
Le Samedi 01 Mars 2014, à 19h00
Grand Hôtel de l'Univers, rue de Noyon - Amiens



Mesdames et Messieurs,


J’aimerais commencer cette rencontre en vous remerciant d’être venus aussi nombreux ce soir – c’est notre deuxième et dernière rencontre du genre après celle du samedi 15 février 2014, où nous avons reçu le candidat de la Gauche, le Parti Socialiste et ses alliés, Monsieur Thierry BONTÉ.

Reconnaissons que votre présence en ce lieu est la marque d’un double intérêt :

- Tout d’abord, un grand intérêt pour la Ville d’Amiens et son évolution dans le temps. Vous exprimez par le fait de votre présence en ce lieu un désir d’information sur les projets qui seront réalisés jusqu’à l’horizon 2020 et parfois bien au-delà.

Et c’est parce que je vous connais, comme je me connais moi-même, que je loue votre état d’esprit, cette double démarche, cette attitude qui pour vous consiste à chercher à savoir ce qu’Amiens peut faire pour vous, mais aussi qu’est-ce que vous pouvez faire pour Amiens. En bref, vous avez un désir d’implication, un désir d’engagement.

Et cela tombe bien, nous avons parmi nous une candidate à la fonction de Maire, ou dirais-je, à la fonction d’ARCHITECTE d’Amiens pour les six prochaines années, Madame Brigitte FOURÉ, que nous pourrons entendre tout à l’heure à propos de son projet « RASSEMBLES POUR AGIR ».

Et c’est l’occasion pour moi de remercier quelqu’un, Madame Nathalie LAVALLARD, avec qui j’ai eu le plaisir de discuter à la permanence de campagne de Brigitte FOURÉ le mardi 18 février 2014, et il faut le reconnaître, qui a joué un rôle de médiatrice pour que nous puissions avoir ce soir parmi nous, la candidate UDI, donc Centriste. Madame LAVALLARD est une chef d’entreprise, mais aussi une actrice du monde associatif, que certains parmi vous ont peut être déjà croisée à la MAAM (Maison des Associations d’Amiens Métropôle) dans l’Espace Dewailly.

Donc disais-je, un intérêt aussi pour la Ville. Amiens c’est tout simplement, pour reprendre Aimé Césaire, « la ville que vous prophétisez belle ».

- Mais aussi un grand intérêt pour le sujet de la Mémoire des Traites Négrières, de l’Esclavage et de leurs Abolitions, que vous n’avez jamais cessé d’honorer par votre présence depuis le lancement d’une dynamique commémorative à Amiens. D’autant plus que vous êtes antillais et africains pour la grande majorité. Ou tout simplement, parce que vous êtes des humanistes, des gardiens de la dignité des hommes, quelque soit la couleur de leur peau et quelques soient leurs origines et leurs croyances, voire même leurs non-croyances.

Et c’est sur ce sujet, de la Mémoire des Traites Négrières, de l’Esclavage et de leurs Abolitions que je voudrais attirer l’attention de la Candidate Brigitte FOURÉ.

Les Traites Négrières et l’Esclavage se sont déroulés pendant près de quatre siècles (400 ans durant) – du milieu du 15ème Siècle jusqu’au milieu du 19ème Siècle. On estime à près de 42 millions de personnes (toutes les traites confondues, intra-africaine, orientale et occidentale) victimes de ce commerce organisé et de traitements odieux. Cette pratique va être abolie en France en 1794 pour refléter au mieux la lettre et l’esprit de la Révolution Française de 1789. Et aussi pour prendre acte de la victoire des esclaves insurgés de Saint Domingue contre l’armée napoléonienne.

Mais, en 1802 (retenez bien cette date) Napoléon Bonaparte va à nouveau autoriser l’esclavage des noirs sur les territoires appartenant à la France. Et l’esclavage va ainsi perdurer, soit 46 ans de plus jusqu’à son abolition définitive en 1848 par Victor Schœlcher. Le traité de rétablissement de l’esclavage a été signé à Amiens et est communément appelé par les historiens « TRAITE D’AMIENS 1802 » ou « LA PAIX D’AMIENS ». Ce Traité préconisait, ou du moins rendait effectif le retour du Code Noir, cette création unique en son genre du droit français, qui régissait la vie des esclaves dans les colonies françaises, et qui faisait de l’esclave un « être-meuble », au sens notarial du terme.

Mais ce Traité d’Amiens 1802 doit aussi se comprendre par les révoltes qu’il a suscitées chez les néo-affranchis de 1794. On peut citer la révolte conduite par Louis Delgrès en Guadeloupe, et en réponse, le massacre des noirs de Guadeloupe perpétrés par la soldatesque de Napoléon Bonaparte. Notons que c’est en résistance ou en opposition à ce Traité d’Amiens 1802 que les esclaves insurgés de Saint Domingue pousseront leur insurrection jusqu’à la proclamation d’indépendance de la Première République Nègre, le premier janvier 1804, une République que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Haïti.

Amiens est donc ce que nous appelons dans le jargon mémoriel une des ROUTES DE L’ESCLAVAGE, en tant que ville où on a légiféré en faveur de cette pratique, à côté des lieux d’enlèvement (comme Zanzibar), de transit (comme Nantes) et d’établissement des esclaves (comme Fort de France ou Pointe à Pitre).

Et puis il y a tous les autres acharnements de l’Histoire, qui tantôt se superposèrent à l’esclavage, tantôt la remplacèrent : colonisation, ségrégation, discrimination, les monocraties africaines et leurs dictatures, et les pseudo-démocraties africaines. Autant d’évènements qui n’ont pas permis un travail de mémoire immédiatement en Afrique, en Outre-Mer et en France Métropolitaine après l’abolition de 1848. Nous sommes donc face à un grand défi de l’Histoire, celui du « Travail de Mémoire en Différé ». Et ce travail de mémoire, unique en son genre dans l’histoire de l’humanité, a besoin de toutes les solidarités, en particulier, la solidarité de la ville d’Amiens et de sa Métropole.

En 1983, alors que François MITTERAND était Président de la République, Aimé CESAIRE usait encore de tout son talent oratoire à l’Assemblée Nationale pour une commémoration digne de cette période sombre de l’histoire de France, de l’Histoire des français d’Outre-Mer, parce que c’est une Mémoire de la République.

Il faudra attendre l’année 2001, avec la loi Taubira tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage des noirs comme « UN CRIME CONTRE L’HUMANITE ». Et c’est en 2006 qu’aura lieu, enfin, la première commémoration en France métropolitaine des Traites Négrières, de l’Esclavage et de leurs Abolitions, à travers la Journée Nationale du 10 Mai. Et nous sommes 160 ans après l’abolition définitive de 1848 par Victor Schœlcher. ON COMPREND MIEUX CE QUE J’ENTENDS PAR MEMOIRE DIFFEREE, et la difficulté que cela pose.

Et bien heureusement, cette mémoire a été maintenue vivante et poignante grâce à la magie du cinéma qui a produit des grands chefs d’œuvres, adaptation de récits de familles descendant d’esclaves afro-américains, comme le film « ROOTS (Racines) » diffusé en France en 1978, de l’œuvre homonyme d’Alex Haley. Et plus récemment encore, le film de Steve McQueen « Twelve Years a slave » adapté de l’œuvre autobiographique de Solomon Northup, sorti en France au cinéma le 22 janvier 2014 et neuf fois nominé aux Oscar 2014, un film qui a rempli les salles. Preuve que les français veulent s’approprier cette mémoire, même vue à travers le prisme états-unien.

J’aimerais maintenant évoquer ce dernier point, à propos de la mobilisation des africains et antillais d’Amiens qui se rencontrent de façon ininterrompue depuis le 10 Mai 2006 ; et ce 10 Mai 2014 cela va faire 9 ans qu’ils sont assidus commémorant sous le soleil, sous le vent et parfois même sous la pluie.

Et j’aimerais féliciter les associations : - Union des Africains, le Club International Négritude, l’association Culture Mémoire et Patrimoine, SOS Racisme 80, AFRICAPAC, Association Cameroun Picardie Perspective, AGAFRICARDIE, Association des Stagiaires et Etudiants Congolais, Association Congo Amiens Solidarité, Solidarité Grands Lacs, le collectif des sans-papiers, Cyrille OLOU et le Groupe de l’Universalisme, l’Association Habiba pour l’Education et la Promotion de la Santé, l’Association des togolais MISOGBE, les associations du Pôle Associatif Voltaire (AGADES, Pacific Action, Droit de Vérité et Devoir de Justice, Association Somme Brazza, Vie Brisée…)

Je reviens vers la Candidate, Madame Brigitte FOURÉ pour lui demander, dans l’hypothèse de son élection à la Mairie d’Amiens :

- De se tenir à nos côtés pour relever le défi de la Mémoire Différée : En permettant une Commémoration des Traites Négrières, de l’Esclavage et de leurs Abolitions sur le SQUARE AIME CESAIRE dans des conditions dignes, avec l’inauguration d’un Monument le 10 Mai 2015 – ce sera le 10ème anniversaire de la Journée Nationale pour la Mémoire des Traites Négrières et de l’Esclavage. Et l’occasion d’un bilan sur le plan national et sur le plan local

- De valoriser le Square Aimé CESAIRE grâce à un projet ambitieux d’aménagement à la hauteur de la personne et de l’œuvre de ce poète et homme politique français.

Au passage, il y a ce proverbe africain qui dit que « lorsqu’une personnalité de haut rang est invitée, ou s’invite dans le village, on doit lui réserver un accueil digne, selon le meilleur protocole qui existe dans le village ».

Cette demande d’aménagement est justifiée par le fait que le Square Aimé Césaire est sur un axe d’éducation et de culture très riche – qui comprend le Boulevard de l’Alsace Lorraine, le Boulevard Belfort, Mail Albert 1er (avec les institutions que sont le Rectorat d’Amiens, le Cinéma Gaumont, la Maison Jules Verne et le Cirque d’Amiens).

Le Square Aimé Césaire c’est aussi un espace de célébration de l’humanisme universel, un lieu de mobilisation pour les Droits de l’Homme. C’est le lieu ou nous vivons les grands moments d’émotion de l’histoire africaine et du monde, comme ce fut le cas lors de la marche des Amiénois en hommage à Nelson Mandela, le dimanche 15 décembre 2013, jour de ses obsèques dans son village natal.

En conclusion, j’ai voulu en cette circonstance porter à la connaissance de Madame Brigitte FOURÉ, candidate à l’élection municipale AMIENS 2014 ce projet qui a quatre avantages :

- Celui d’élargir l’offre de tourisme des mémoires à Amiens, par un projet structurant autour de la Mémoire de l’Esclavage et de ses Abolitions,

- Celui d’enrichir le paysage urbain, avec un Square aménagé, fonctionnel. Et d’apporter un plus en terme de monument et sculpture au patrimoine de la ville,

- Celui d’enrichir l’offre culturelle et artistique en faisant du Square Aimé Césaire un lieu d’expression en plein air, un carrefour des artistes, peintres et de musiciens de styles tout aussi variés,

- Et celui, enfin, d’offrir un cadre d’accueil de groupes scolaires et tout public pour l’éducation aux Droits de l’Homme, à l’Egalité et à la Citoyenneté.

Il y a un cinquième avantage, mais le temps nous fait défaut pour que je puisse le mentionner.

Nous faisons tous le vœu que la prochaine équipe municipale soit une équipe d’initiation, une équipe de terminaison et une équipe qui œuvre pour la pérennisation de la Mémoire des Traites Négrières, de l’Esclavage et de leurs Abolitions à AMIENS. Et la jurisprudence qui prévaut en France Métropolitaine – le monument au Jardin du Luxembourg au SENAT, le Mémorial de Nantes, le monument de Saint Nazaire, la plaque commémorative de Meaux… - en effet, cette jurisprudence n’excuse plus l’inaction en la matière.

Alors, Madame Brigitte FOURÉ, soyons Rassemblés pour agir, selon qu’il plaira au peuple les 23 et 30 mars 2014 de plébisciter votre liste!

Je vous remercie tous pour votre attention.

Discours prononcé par Landry MANDOUKOU,
Président Club International Négritude
Le Samedi 01 Mars 2014, à 19h00
Grand Hôtel de l'Univers, rue de Noyon - Amiens